le berceau de l'humanité
Made in Africa. / Le berceau de l’humanité.
I- Suprématie mondiale :
Les termes art, culture, beauté…sont des conceptions relatives aux différents peuples tant du point de vue de leur contenu que de leur forme, leur finalité et leur procédé. L’Afrique est une mosaïque de groupes humains avec environ2500 langues et dialectes qui supposent une grande diversité de peuples, de conceptions et de pratiques culturelles.
L’art et la culture africaine sont les plus vieux de la terre, mais aussi les plus méconnus véritablement car il est difficile d’en faire une synthèse et de les expliquer correctement avec les terminologies disponibles. Dans les langues africaines l’art ne se désigne pas comme tel par un nom spécifique correspondant, et autrefois il était plutôt anonyme, sans auteur particulier défini ou proclamé : art intemporel non hiérarchisé, sans marché ni forme institutionnalisée. Les voies d’action et les manifestations sont différentes de celles théorisées, structurées, formalisées et instituées dans le monde actuel. Il y a beaucoup d’aspects tergiversés ou absents des analyses qui en sont faites. Nonobstant, l’art africain revendique encore aujourd’hui la suprématie dans un monde qui n’arrive pas à dépasser les conceptions naturalistes, réalistes, dadaïstes et nihilistes.
En bamanankan et mandékan on assimile le seko ni kodôn ni dônko aux concepts d’art, culture, sciences, technologies. Ces termes qui signifient littéralement savoir et pouvoir être contiennent dans leurs conceptions les principes de la mémoire et les façons d’être africaines (farafina, en bamanan). Tel est le principe d’un art de comportement et d’expression des valeurs profondes. Elle est plus ample que la loi d’abstraction et de synthèse (du Congo) et le principe d’accomplissement de soi (art mbari du Nigeria) émis par les théoriciens de l’art africain.
En Afrique les faits de la vie quotidienne sont interprétés en termes de mythes, énigmes, archétypes et symboles qui sont des moyens d’appréhension de la mémoire et aussi d’expression du savoir et la culture.
II- Le procédé humain : (l’expression de l’humanité africaine).
D’après la tradition orale Maa Ngala a créé l’œuf primordial qui a ensuite donné origine à toutes les choses du monde. L’homme, qui fut créé à son image, a alors reçu en héritage une partie de la puissance créatrice : l’esprit, le cœur, l’âme et la parole. Les taches de la vie sont des charges qui émanent de la nature humaine, dès lors du pêché originel. L’univers est constitué d’un ensemble de signes et de forces en perpétuel mouvement. Dans cette vaste unité cosmiques toutes les choses sont en corrélation et sont solidaires. La vie humaine consiste à les mettre à contribution, à les convertir aux besoins des nécessités ; utiliser à bon escient les ressources et les choses du monde. Cela consiste à agir et être de façon à ne pas se perdre ses repères, soit de ne pas rompre le destin à l’unité originelle sacrée, l’ordre, l’harmonie. Ainsi tout procédé humain est alterné sur l’expérience et la mémoire. Le caractère cyclique du temps, soit le va et vient des choses de la vie perpétue la tradition, entraîne les symboles de croyances, la forme des rites et les modes de vie. Et depuis des temps immémoriaux l’humanité se maintient ainsi dans le monde, d’une façon ou d’une autre. La pratique des rites, l’utilisation des symboles, le rappel des mythes, l’allusion des proverbes, la leçon des contes et l’expérience des légendes sont les moyens qui maintiennent la vie.
1- l’assemblage au monde : Toutes les créatures même celles qui sont inertes, tous les êtres sont unis dans une étroite communion, puisqu’ils participent tous à une seule et même transcendance. Participant ainsi à la même vie, tous les êtres (l’homme y compris) ont une fraternité originelle profonde. La personne est considérée comme un phénomène du monde réel. Les humains sont liés à l’ensemble de l’univers, et dans cet univers il n’y a pas de temps. L’état de nature est pour l’homme le guide infaillible de son assemblage au monde. Dans cette conception positive du cosmos le je est un autre ; et l’identité qui est vécue au pluriel ne se réalise qu’au fil du temps ; les jours et les nuits se suivent sans se ressembler ; depuis la nuit des temps, l’homme traîne son drame existentiel avec les tracas éternels.
2- Le lien au sacré : Lorsque l’homme est confronté à l’adversité de la nature, la difficulté des épreuves, l’hostilité des autres, la peur de l’inconnu et du néant…il fait recours aux valeurs de cultures qui imprègnent son être. Le monde apparaît comme une œuvre crée dont l’auteur est l’absolu ; mais le monde est inachevé, l’existence est imparfaite. Le drame de l’homme est sa conscience de la difficulté d’être. L’homme imite l’œuvre du créateur Maa-Ngala et complète sa création. L’art et la culture sont l’expérience du drame de la création : la façon dont l’absolu a donné origine au monde. Toute l’œuvre crée est la manifestation de la substance divine qui résulte visible en elle. La raison ou l’intelligence est une force ; le cœur est une qualité. Les forces humaines ont des limites ; l’important est donc d’en faire usage à bon escient et au bon moment. C’est en rejetant l’oppression, la misère, l’humiliation, et en dédiant sa vie à son idéal que l’homme conquiert sa dignité et sa liberté.
3- Le culte de la mémoire : Le monde est vieux et le future sort du passé. La vie quotidienne est traduite en termes de symboles, signes, mythes et énigmes qui sont des moyens de mémorisations et d’expressions du savoir et de l’expérience de la vie. La tradition est la fonction de la récupération de la mémoire, la réalisation continuelle de la vérité et la perfection qui se révèlent sans cesse à la conscience. La mémoire est l’ensemble des valeurs consacrés, les acquis et les principes de la civilisation. C’est la légende des origines et la source des pratiques qui fondent l’humanité des personnes. Derrière les actes et les gestes simples, le banal, le familier et le quotidien de chaque personne se dévoilent les acquis des milliers d’années. Le monde entier est le patrimoine et l’héritage commun : une infinité de possibilités.
4- L’invention perpétuelle de la vie : Tout système humain, quels que soient son contenu et son objectif, tend à estomper l’antagonisme originel entre l’individu et son être. L’art et la culture sont des actions d’adaptation de l’homme à son entourage et au monde. Leur rôle est d’inscrire le génie de l’homme dans le monde. L’art vivant est le médiateur entre l’homme en peine et la réponse à son dépit. Il est anonyme et libre partout dans la vie, sans auteur, sans prix, sans marché, sans lieu spécifique, sans hiérarchisation ni institutionnalisation. La vie de tous les jours est très prépondérante en débrouillardises, inventivités, ingéniosités et réalisations esthétiques. En dépit de tout l’aptitude de l’individu lui reste comme moyen de vie et de survie. Il ne fait pas l’art qui est plutôt une forme de sa vie. L’œuvre d’art des personnes est en principe leur existence effective. Le mérite de chaque personne est son courage, son habilité, son savoir (ou pouvoir) être. Chacun a le devoir de réussir sa vie en faisant d’elle une œuvre d’art.
III- Born in Africa : « L’histoire du continent africain, si elle est sincère et droite, ne peut que déboucher sur tous les hommes à la fois, sur tous les peuples à la fois, sur le monde entier. » Fernand Braudel, professeur au collège de France, dans la préface de < Histoire de l’Afrique noire > Joseph Ki-Zerbo, éd. Hatier, France, 1978.
« L’homme de couleur, loin d’être incapable de susciter la technique, est celui-là même qui la suscita le premier en la personne du Nègre à une époque où toutes les races blanches, plongées dans la barbarie, étaient tout juste aptes à la civilisation. » Cheikh Anta Diop :< Nations Nègres et cultures >, tome2, P.410, éd. Présence Africaine, Paris, 1979.
« Il faut cependant admettre que les vestiges de l’art de l’Afrique représentent le foyer le plus brillant de la culture mondiale. Malgré cette singularité, il demeure quasiment méconnu du grand public. »Christiane Falgayrettes-Leveau dans DIVAS, décembre 2000, P.20.
L’art mondial actuel est quasiment constitué de méthodes déjà vues en Afrique. Des exercices déjà existants et bien ancrés dans les pratiques culturelles africaines sont aujourd’hui repris par les occidentaux comme art d’avant-garde.
1- l’art inverse : Dans les conceptions ancestrales des façons d’agir, le terme kondrong désigne l’habitant nain de la forêt coiffé d’un objet porte-bonheur. C’est dans un processus d’art inverse (revers/envers /endroit) le reflet est l’image double qui incarne l’inspiration. L’image qui paraît est aussi vraisemblable que la figure qui est mise en évidence. Elle est l’effigie conçue pour servir de réceptacle et abriter la force vitale invoquée. Elle devient l’incarnation des attributs qu’elle comporte et qu’elle offre à la vue. L’image chargée de symboles et significations diverses devient un objet rituel usité dans les évènements essentiels, publics et privés.
2- La présentification : est une sorte d’incarnation d’une présence insaisissable ou surnaturelle par la mise en œuvre des procédés de l’illusion, le mirage, la prestidigitation, l’hypnose, etc. La métaphore, la sublimation, la sorcellerie, la magie, l’art divinatoire et la voyance…sont des moyens susceptibles de générer une présence autrement invisible ; le sentiment d’une expérience, l’inspiration d’une idée. C’est le domaine du paranormal, la transmutation, l’occultisme, le mysticisme, la superstition qui sont des formes de conscience reliant la personne aux vibrations de l’univers et les profondeurs de l’esprit ; c’est aussi un moyen pour la personne de retrouver ses origines, et aussi lui servir de repères pour s’insérer dans le monde.
3- Le syncrétisme : est la confusion d’éléments de formes, natures, textures et structures différentes dans une perception globale unifiée. A ce titre le fétiche (feitiço signifiant sortilège en portugais) est un assemblage factice de boli (en bamanan) ou objets dotés de pouvoir agir et être. Il tire son pouvoir du principe d’assaut de la magie et des conceptions animistes telles que le vaudou. Son principe est celui des gris-gris, amulettes, talismans porte-bonheur.
4- L’autel : est l’art d’installation par excellence. C’est la mise en scène d’objets divers rassemblés et installés afin de produire un effet (comme dans le poème précurseur du surréalisme de Lautréamont) soit de capter une énergie, de générer une force vitale. On retrouve son principe dans la principale tendance contemporaine italienne qui est l’art pauvre (arte povera) de Giovanni Anselmo et Jannis Kounellis ; et en Amérique dans l’art conceptuel de Joseph Kosuth, l’art minimal de Ad Reinhardt, Barnett Newman, Dan Flavin, Sol LeWitt, Don Judd.
5- L’art de récupération : est le détournement ou piratage d’une chose (idée, objet) de son principe originel normal à un autre usage, dans une finalité autre. A la suite d’un processus d’accumulation d’objets divers et de matériaux disparates la conception de leur assemblage est effectuée sous une forme remodelée ou composite. Les objets d’art sont exécutés dans une multitude de matières ; agrémentés de la toile de jute, la toile de sac de farine de blé, des perles, des miroirs d’écrins de maquillage, des cartons d’emballages ; et aussi de la peinture au caolin, de la peinture acrylique. Ce sont des pratiques de collages, soudages, réfections…que l’on retrouve dans les galets incrustés de Kurt Switters, dans les «ready-mades » de Marcel Duchamp, les collages de Daniel Spoeri et Pablo Picasso, les accumulations de Pierre Fernandez Arman.
6- L’art rupestre : est le badigeonnage à la peinture des fresques murales dans un logis. Les méthodes picturales et les formes stylistiques de cet art pariétal (qualifié de primitiviste) se retrouvent dans l’art des graffitis, dans l’art brut et aussi dans l’art minimal.
7- L’architecture : est conçue comme une sculpture afin de vivre à l’intérieur. L’emploi de la terre comme matériau de construction a atteint son point culminant dans les édifications. Des styles architecturaux originaux,des modèles décoratifs spécifiques, des solutions techniques ingénieuses dans les chaînages, les colonnades, les murs en élévation, les murs de soutènement, les fortifications et les coupoles marquent la grandeur des civilisations qui les ont conçu.
8- Le diabandé : est une peinture picturale et un art de décorer la maison ; cela est pratiqué surtout par les femmes partout en Afrique. Les femmes soninké, bamanan, gourounsi, ndebele, tiébélé…pratiquent toutes des dessins linéaires, des motifs géométriques, des représentations abstraites ou figuratives soulignées de couleurs de terres.
9- Le matiérisme : est l’emploi de matériaux divers comme moyens d’expression picturale. Il est utilisé dans la statuaire et l’art des masques pour rendre les symboles de forces et les symboles de vie. C’est l’utilisation de la colle et la peinture pour appliquer sur des supports variés le sable (sabléisme), les perles, les fibres végétales, les pierres, les graines, les peaux d’animaux, etc. Ses procédés sont exploités dans l’art brut de Jean Dubuffet, et dans la principale tendance contemporaine italienne qui est l’art pauvre (arte povera) de Giovanni Anselmo et de Jannis Kounellis.
10- La pyrogravure : est l’usage d’un poinçon métallique rendu incandescent par le feu pour réaliser des gravures décoratifs de rayures et des signes abstraits sur un subjectile de bois. Son graphisme des motifs décoratifs se retrouve dans les rayures de bayadères, et aussi dans les travaux de Victor Vasarely, ceux de Daniel Buren, le courant d’art européen COBRA, et aussi le courant d’art américain optical-art (op’art).
11- Le tatouage : est une pratique d’embellissement du corps ; cela englobe les genres artistiques du henné, la scarification, le piercing, la peinture corporelle. L’art du henné est une peinture/teinture de la peau, voire des cheveux. La scarification implique une multitude de pratiques qui sont au fond des sortes de gravures et de sculptures sur la peau. Ce sont donc des formes de body-art qui offrent une gamme variée de motifs décoratifs abstraits.
12- La sculpture : est un domaine très vaste incluant les tresses, l’orfèvrerie, le fer forgé, les plaques de métal repoussés, la terre cuite, la statuaire, les masques, les effigies, les cimiers, les marionnettes, les reliquaires…qui ont été exploités dans leurs aspects formels par les artistes européens du XXème siècle : fauves, cubistes, constructivistes, dadaïstes, nihilistes. Il y a par exemple Pablo Picasso, Henri Matisse, Maurice de Vlaminck, André Derain. L’essence de la plastique négro-africaine, tout comme les mythes, les proverbes, les récits, réside dans sa forme d’acte sacré d’être. Ce sont des tentatives de capitaliser le savoir et l’expérience dans le cadre d’une culture des rites de mieux-être. Une culture qui ritualise l’optimisme en créant les possibilités pour l’homme d’influer sur les phénomènes (forces, énergies, puissances) de la réalité environnante afin de surmonter les obstacles en toute situation critique. Voilà l’arsenal d’un art de comportement ; les moyens d’une façon d’agir et d’être qui suppose alors des exigences de fonctionnalité, pragmatisme, instrumentalité…en toute entreprise, en toute activité, en toute circonstance.
13- L’art textile : engrange une multitude de formes d’industries légères et de formes d’art. Au-delà de la confection des cotonnades et des tissus de raphia, il y a des genres tels que les bamunan, tikilan,pentelu,mussor
Qui méritent d’être soutenus, entretenus et revalorisés.
Le bokolan est une technique de peinture/teinture à l’eau sur tissu absorbant et imprimable. Il se distingue par son graphisme spécifique de signes ésotériques, de figures géométriques abstraits et des rayures en bayadères.
Le batik est essentiellement de la teinture et de l’impression en réserve, exécuté à l’encre ajoutée d’ingrédients fixateurs, sur des tissus en matière imprimables. Sa pratique fait appel à divers procédés dont l’usage de la cire dans un principe de positif/négatif ; et aussi l’usage de diverses techniques de taching, tie-dye, de nœuds, attaches, pliages, tressages, tamponnages…avant le trempage de la toile dans le colorant.
Les gestes et les méthodes du bokolan et du batik ont été repris par les français Claude Viallat et Simon Hantaï dans le courant d’art Support/Surface qui est dès lors réellement made in Africa. Et aussi, dans des formes d’expressionnisme de peinture gestuelle(action painting), les méthodes des gouttes (drip painting), le color field, le all-over, le taching et autres vibrations colorées qui sont faussement attribués aux américains : Willem de Kooning, Jackson Pollock, Mark Rothko, Adolph Gottlieb, Yves Klein, Franz Kline, Barnett Newman, etc.
On sait aussi que le hollandais Piet Mondrian et l’allemand Paul Klee collectionnaient les tissus africains afin d’interpréter leurs graphisme et leurs motifs abstraits au titre d’art abstrait, constructiviste, géométrique.
14- La polyphonie : L’Afrique a nourri la musique mondiale, et enrichi l’art la façon d’être du monde entier. Jazz, soul, blues, funk, disco, rap, rock, salsa, rumba, reggae, zouk plongent tous leurs racines à des degrés divers dans le sol nourricier du continent noir. Tout cela provient de la polyphonie qui est un jeu de rythmes mystérieux liés aux forces de la nature. Art total fondé sur la participation effective de tous et de chacun, où se mêlent au message verbal les messages gestuels, sonores, rythmiques.
La polyphonie caractérise mieux ses danses, chants et musiques qui sont des manifestations tangibles de la vie, la vigueur, l’épanouissement, l’élégance, la beauté de l’homme sur terre.
Au-delà de l’art, la danse est un langage ou une allégorie. Elle tisse un rapport à l’animalité, à la communauté et au sacré. Le mystère des danses réside dans leur inspiration des actes de vie. Les religions d’Afrique sont des religions dansées.
Les mouvements de danses des pieds sur le sol et ceux acrobatiques et chorégraphiques du corps dans l’espace sont à l’origine d’une gestuelle, une rythmique et une dynamique qui sont vécues comme les éléments et états d’une expression faisant écho avec l’esprit magique du verbe et les réactions viscérales, le battement cardiaque, le souffle vital, les soupirs et les pulsions du corps. A travers la danse, le chant et les polyphonies l’homme réalise son destin et entre dans un jeu de gestes rituels et d’actes de vie qui offrent les forces, valeurs et qualités indispensables à l’être. Le corps et l’esprit en transe libèrent les énergies vitales nécessaires à l’éclosion d’une beauté mystérieuse et une grâce naturelle bien aise. La force percutante de l’écho des vibrations sismiques du cosmos, les saccades du battement cardiaque, les mélodies émouvantes et les mélopées sulfureuses des profondeurs de la mémoire commune…ne laissent personne indifférent : donner la force et le courage à ceux qui sont victimes des préjugés, et aussi à ceux qui sont confrontés aux rudes épreuves de la condition humaine. La personne devient un corps rythmique qui chavire dans un flot lancinant, un soupir chavirant, ou bien elle s’ébranle dans une danse acrobatique, ou un ballet chorégraphique dont l’élément vital au centre est le feu.
15- L’art théâtral et cinématographique : a la tache de se retrouver et d’émerger de la vaste trame ambiguë des façons africaines à l’instar des autres pratiques culturelles.
Toute culture demeure une expression d’idées acquises et d’idées assumées. Chaque peuple trouve sa propre vérité à sa façon et par son libre arbitre. Il y a la nécessité de concevoir la modernité par rapport à ses propres repères et les façons identitaires de les valoriser sur le chantier du progrès.
Les manifestations scénographiques de base telles que la marionnette, le mandiyani, le kôtèba, le kôrôduga et autres souffrent de beaucoup d’avatars à rectifier. Elles souffrent par exemple des entraves du néologisme obstaculisant des qualificatifs traditionnel et folklorique ; et aussi du paradoxe et la manie de ressembler aux scénarios et clichés occidentaux par manque d’autodétermination. Il y a aussi le problème de la conception et l’introduction du texte écrit, le type de dialogue et de questionnement ; mais la majorité de nos langues sont encore à l’état de dialectes, et la grande majorité des populations est analphabète. Cependant on sait que le texte est un facteur limitant observé même dans les représentations occidentales.
Il y a la nécessité pour l’homme de théâtre et le cinéaste de résoudre la transmutation du spectacle de plein air représenté en langues locales et jouissant alors de la participation active du spectateur, à celui d’une représentation en salle, en studio ou sur scène.
Les fêtes, les cérémonies et autres manifestations offrent des aspects évidents de théâtralisation ; toutefois il y a le risque de tomber dans le récit narratif, le réalisme anecdotique ou psychologique, la tragédie dramatique, le surréalisme mythologique, la comédie musicale, la chorégraphie des ballets de cabaret, opéra, music-hall, les sketchs et clowneries de cirque. C’est dans l’approche des façons de faire acquises et l’appropriation des façons d’agir offertes que la scénographie africaine retrouvera ses repères et ses modalités esthétiques.